24 Nov 2023
10 ans d’Evangelii gaudium, la passion missionnaire du Pape
Il y a dix ans, le 24 novembre 2013, clôturant l’Année de la foi, le Pape publiait sa toute première exhortation apostolique consacrée à l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui. Intitulée Evangelii gaudium, la Joie de l’Évangile, l’exhortation apparaît comme un texte programmatique du pontificat. Décryptage de Mgr Rino Fisichella, pro-préfet du dicastère pour l'Évangélisation.
Entretien réalisé par Delphine Allaire
En droite filiation spirituelle avec saint Paul VI, François développe dans cette première exhortation les notions d’Église « en sortie », d’inculturation de la foi, mais aussi la dimension sociale de l’Évangile ou encore la révolution de la tendresse, espérant indiquer au clergé et aux fidèles des voies pour « retrouver la fraîcheur originale de l’Évangile ». Dans ce texte prônant une Église missionnaire décentrée d’elle-même, le Pape s’est basé entre autres sur la contribution offerte par les travaux du Synode sur « la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne », qui s’est déroulé au Vatican du 7 au 28 octobre 2012. « L’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui continue d’exiger de nous une résistance prophétique contre-culturelle à l’individualisme hédoniste païen », écrit le Saint-Père dans l’exhortation apostolique.
Une conversion pastorale et missionnaire indissociable de la joie, à laquelle le Souverain pontife a consacré plusieurs catéchèses en cette fin d’année 2023, année consacrée à la passion pour l’évangélisation, le zèle apostolique du croyant, lors des traditionnelles audiences générales du mercredi. « Sans zèle apostolique, la foi se flétrit. La Mission est l’oxygène de la vie chrétienne: elle la tonifie et la purifie », affirmait l’évêque de Rome lors de cette première méditation, le 11 janvier 2023.
Mgr Rino Fisichella, pro-préfet du dicastère pour l’Évangélisation, était préfet du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation en 2013. Il a suivi de près le processus de renouveau initié par le pape argentin et revient sur l’héritage et l’actualité de cette exhortation apostolique.
Que nous enseigne en substance Evangelii gaudium dix ans après?
Le dernier synode qui vient de s’achever y répond en quelque sorte. Elle nous dit que nous ne pouvons pas déléguer l’évangélisation. Chacun est responsable de son baptême, de sa vocation et responsable de la vivre en tous lieux, de la famille, à la société, à la paroisse en passant par les mouvements et communautés. Tout ce qui appartient à la grande famille de l’Église devient une catéchèse qui annonce l’Évangile. L’évangélisation ne peut s’arrêter aux structures, mais doit rencontrer le cœur des personnes et doit, là, susciter la force de la foi, de l’espérance et de l’amour.
Comment caractériseriez-vous le style d’évangélisation mis en avant par le Pape?
Le style de la rencontre. J’aime beaucoup ce que le Saint-Père a dit avant même de l’écrire dans Evangelii gaudium. C’était l’année de la foi, sur une place Saint-Pierre bondée de fidèles, il a invité à promouvoir une culture de la rencontre. Plus que la simple rencontre, la culture de la rencontre signifie un langage nouveau, des signes et des gestes différents. Je pense que tout cela a infusé dans la communauté chrétienne. Autre expression importante du Saint-Père: l’Église en sortie. Elle en est la conséquence. Rencontrer l’autre signifie sortir de soi pour voir qu’un autre existe, et a quelque chose à m’enseigner.
Comment maintenir vivante la joie de l’Évangile dans un contexte assombri par des guerres et de multiples crises?
La joie est un mot que le Pape emploie chaque jour, car il la pense comme contenu fondamental de la foi. Nous ne pouvons pas oublier que nous annonçons cette Bonne Nouvelle. Une expression d’un texte à la fin du Ier siècle de notre ère dit « La prière de l’homme triste ne rejoint pas l’autel de Dieu ». Cela m’a toujours frappé car l’on ne peut pas être triste face à Dieu. Cela signifierait être dénué d’espérance. Or, la certitude que Dieu nous aime est là. Certes, il faut voir la douleur, la souffrance, la dramatique des événements de violence, mais cela doit être dépassé par la joie au sens spirituel du terme, de l’intime, non de la joie comme sentiment. La joie donne sérénité, et offre la certitude de la présence de l’Esprit Saint en chacun de nous.
Dans quelle lignée ecclésiale plus large s’inscrit cette passion du Pape pour l’évangélisation?
Paul VI écrivait dans son exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975) « l’Église existe pour évangéliser ». S’il n’y a pas d’évangélisation, il n’y a pas d’Église. L’Église est la médiation première de l’évangélisation, de l’annonce de la Bonne Nouvelle de l’Évangile qu’est la Résurrection. Ensuite, dans quelle façon dans un contexte culturel d’indifférence où l’on voit nos communautés fatiguées par beaucoup de travail qui n’est pas le sens de l’annonce, cela devient l’occasion pour le Pape d’apporter un regard aussi sur les pauvres. La dernière section d’Evangelii gaudium est dédiée à la dimension sociale de l’évangélisation. Nous sommes habitués à la Parole de Dieu nous invitant « à annoncer l’Évangile aux pauvres ». Le Pape, lui, nous dit: « Les pauvres nous évangélisent ». Ce n’est pas une contradiction, mais la volonté de montrer que les pauvres nous donnent la possibilité d’aller à l’essence même de la vérité de l’Évangile.
(Source: Vatican News / Photo: Vatican Media)
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