08 Oct 2024
Comme à Cana, mais différemment à Morondava…
Par Alfonso Bartolotta, o.m.i.
Dimanche 29 septembre 2024, c’est le jour J de la toute première messe à célébrer en langue malgache, depuis mon retour à Madagascar. En compagnie de deux jeunes religieuses malgaches de la Congrégation des Sœurs du Sacré-Cœur de Raguse, Léa et Mamy, nous partons à pied sur une route sablonneuse vers la chapelle de Bemokijy, à une demi-heure de chemin de Morondava, pour y célébrer la messe.
La communauté chrétienne locale nous attend – environ 35 personnes, principalement des femmes et des enfants – et la joie est lisible sur leur visage. La phrase clé de la Bonne Nouvelle de ce dimanche nous rappelle que « Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. » (Mc 9, 41).
À la fin de la célébration, on m’offre un cadeau, le traditionnel chapeau malgache ! Aussitôt mis sur ma tête, l’ambiance spontanément devient joyeuse, accompagnée par l’éclat de rire non seulement des petits mais aussi des adultes. À la sortie, c’est le moment de la traditionnelle photo-souvenir avec les chrétiens, devant la chapelle en bois et à l’ombre dugrand manguier bien chargé de ses prémices et succulents fruits de saison !
Nous reprenons ensuite la route du retour vers Morondava, toujours en compagnie de Léa et Mamy, avec bien sûr mon nouveau chapeau malgache sur la tête, en nous éloignant tranquillement sous le regard joyeux des enfants.
À peine arrivé à Morondava, je repars, cette fois-ci en voiture, avec mon confrère polonais, le père Paul – responsable de la paroisse et de la mission – pour une deuxième célébration durant laquelle il me présentera à la communauté chrétienne de Andranoteraka.
À notre arrivée, un groupe de fidèles d’environ 70 personnes est déjà dans la chapelle également en bois ; l’assemblée est majoritairement composée de femmes tandis que les hommes peuvent se compter sur les doigts d’une seule main. Par un chant, la petite chorale me souhaite la bienvenue pour la première fois dans leur village. Après le discours final du catéchiste et responsable de la communauté, une jeune fille s’approche, au nom de tous, me présentant un cadeau ; c’est le deuxième de la matinée, au moins pour moi : un beau panier traditionnel en osier mais d’où bizarrement émerge la tête d’un canard bien surpris… lui, et moi aussi… ! Et puis, les immanquables applaudissements pour nous deux… !
Pour le retour à la mission, je préfère aller à pied avec une autre jeune sœur et une jeune novice de la même congrégation, sœur Catherine et Hasina ; nous marchons sous la chaleur à plus de 30 degrés, pendant 45 minutes, sur une route sablonneuse bien brûlante entre midi et 13h… !
Quelques jours après, le mercredi matin, je rejoins mon confrère malgache, le père Bruno – directeur de l’école catholique dédiée à notre fondateur St Eugène de Mazenod – à Tsimahavaobe, toujours à Morondava, pour participer à l’opération « Un verre de lait pour les élèves. »
En regardant le dévouement des femmes pour la préparation de l’évènement, un passage de l’évangile me vient à l’esprit : les noces de Cana (Jn 2,1-11).
Le contexte évidemment est bien différent, nous ne sommes pas à un mariage mais dans la cour d’une grande école, du préscolaire à la terminale, où à la place des invités il y a plusieurs centaines d’élèves de tous les âges.
À Cana, « Ils n’ont pas de vin. » À Morondava, non plus, heureusement d’ailleurs ! Dans les établissements scolaires il est sévèrement interdit et en plus la presque totalité des élèves sont encore mineurs.
Les femmes font au mieux pour accomplir les consignes reçues par le directeur. Sous le hangar, à la place des « six jarres de pierre – dont chacune contenait environ cent litres – pour les purifications rituelles des Juifs », il y a trois grandes marmites sur le feu de bois – dont chacune contient environ vingt litres d’eau – pour le goûter des petits enfants et des élèves chrétiens et non chrétiens.
Quant à la récréation, « l’heure n’est pas encore venue » mais les enfants en file indienne attendent patiemment le son de la cloche pour accéder sous le hangar et recevoir un verre de lait.
Le travail des femmes est incessant, certaines auprès des marmites surveillent le feu pour l’ébullition de l’eau, d’autres mélangent les sachets de lait en poudre, – Humana Expert SL, made in Germany – dans les grandes bassines et dans les seaux, pour éviter les grumeaux.
Au son de la cloche, le beau moment vient, enfin, de remplir de lait chaud et bien sucré les bassines et les seaux. « Et elles les remplirent jusqu’au bord. Maintenant, puisez, et portez-en à tous les élèves. »
Durant la longue attente, les élèves « ne savaient pas d’où venait ce lait chaud et sucré, mais celles qui servaient le savaient bien, elles qui avaient puisé et chauffé l’eau. »
Aux noces de Cana, « le maître du repas, goûtant l’eau changée en vin (mais pas en vain…), appelle le marié. »
À Morondava, tous les élèves ayant goûté l’eau changée en lait chaud et sucré – et ce n’est pas en vain non plus – appellent le directeur pour en recevoir un deuxième verre.
C’est le commencement d’un simple geste accompli pour la joie et le bonheur d’environ 800 élèves, des petits enfants du préscolaire aux jeunes de la terminale. J’oserais dire – positivement parlant – que tout le monde a fait la noce… ! Et pourtant, à Morondava, ce matin-là, il n’y avait pas de noces… !
Il suffit parfois de si peu pour donner un instant de joie aux petits et les rendre heureux.
C’est l’un des innombrables fruits de l’authenticité de la Bonne Nouvelle: « Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. » (Mc 9, 41).
« Allez et invitez tout le monde à la noce ! » (Mt 22, 9). Là où nous sommes : bonne mission !
(Photo: Alfonso Bartolotta)
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