Madame Lafortune

Je veux vous raconter une histoire vraie et émouvante. J’étais directeur d’une petite école secondaire qui offrait les trois premières années de cours. C’était dans les mornes en Haïti. Les frais de scolarité étaient insignifiants en comparaison avec ceux de chez nous, un peu moins que l’équivalant de 100$ canadiens par année.

Un jour, une certaine Madame Lafortune vient me voir dans mon bureau. Son garçon de 15 ans était dans sa dernière année d’école chez nous. Sa fille, âgée de deux ans de plus, avait terminé. Madame Lafortune était veuve et elle faisait son possible pour s’occuper de ses deux enfants. Voici en substance ce qu’elle me dit :

« Cher Frère, je vais mourir bientôt car j’ai un cancer du sein très avancé. Il ne me reste que 100 gourdes (environ 20$). Je pourrais m’acheter un calmant, mais ça ne servirait pas à grand-chose. Je vous les donne et je vous demande de garder mon garçon à l’école jusqu’à la fin de son année, même si tout son école n’est pas payée. »

Ensuite, elle me montra la plaie béante de son sein gauche. J’en ai été choqué.

J’ai eu beau lui dire que je m’occuperais de son fils même sans prendre son argent. Elle en avait décidé autrement et a laissé le billet sur mon bureau en me disant que c’était le seul héritage qu’elle pouvait laisser, et qu’elle voulait que ça serve à l’éducation de son fils.

Quelques semaines après, j’assistais aux funérailles de Madame Lafortune.

Son garçon a, bien entendu, terminé son année scolaire et a ensuite été accepté à l’École des métiers de la construction où il a appris le métier de ferrailleur. J’ai aussi trouvé une machine à coudre de seconde main pour sa sœur qui savait comment s’en servir.

Quelque 20 ans après l’événement, je suis encore ému en pensant à l’amour de Madame Lafortune. Car j’ai eu la chance de rencontrer une sainte femme! Oui, il y en a tant sur terre de ces personnes généreuses qui donnent le meilleur d’elles-mêmes.