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15 Juin 2022

Quand on pense n’avoir plus rien à donner

Par P. Yoland Ouellet, o.m.i.

Il nous arrive à tous d’être fatigué, parfois découragé, rendu au bout du rouleau, avec cette nette impression de n’avoir plus rien à donner. C’est ce qui m’est arrivé en France lors de mon séjour à l’occasion de la béatification de Pauline Jaricot.

Au cours de ma semaine, on nous a amené visiter la ville d’Ars. C’était la fin d’une longue visite des lieux dans la chapelle du séminaire Saint Jean-Paul II et on venait de terminer la prière des vêpres. J’avais très soif et je sentais le poids de la fatigue des quatre derniers jours de longues réunions. Caché en arrière de l’église espérant me reposer un peu, voici qu’on me demande de venir en avant pour faire l’interprète et traduire de l’anglais vers le français les conférences sur Pauline Jaricot données par le recteur du séminaire ainsi que le curé de la paroisse d’Ars.

Je me suis vraiment fait avoir par la grâce de Dieu à ce moment où je me sentais vulnérable. On a parlé des trois rencontres du saint Curé d’Ars avec Pauline. Je faisais un effort de tout bien traduire. Quand arrive le sujet de la troisième et dernière rencontre, me voilà touché par ce qui est dit. Le Curé d’Ars avait eu toute une journée de confessions et en plus d’être fatigué, il se sentait découragé devant sa tâche pastorale – lui, un saint découragé en manque d’espérance? Voyant Pauline arriver, il sentait qu’il n’avait plus rien à donner à cette pauvre venue chercher un peu d’écoute compatissante et quelques conseils spirituels pour l’aider à traverser ses propres épreuves.

C’est alors que Dieu lui donne les mots et, par lui, le réconfort pour soutenir Pauline dans les dernières années de sa vie, afin qu’elle porte sa croix jusqu’au bout, courageusement et saintement. Il lui remet une croix sur laquelle il est inscrit : « Dieu seul ». Je pense alors au petit refrain de Taizé tiré des paroles de sainte Thérèse d’Avila, que j’aime fredonner quand je suis au bout : « Que rien ne te trouble, que rien ne te fasse peur; qui a Dieu ne manque de rien, Dieu seul suffit. » Sur la petite croix remise à Pauline, il est aussi inscrit : « Pour modèle Jésus Christ, et pour soutien Marie ». Ce sont les deux grands soutiens dans la vie des saints et ils me sont alors rappelés en pleine fatigue… Mais aussi en pleine période de pandémie qui ébranle et fragilise le monde entier. Je pense alors au Pape qui, sans tarder, a confié cette pandémie au Christ et à Marie.

Sur cette croix du Curé d’Ars dont nous avons eu une réplique en souvenir de notre passage à Ars, j’y ai vu plus tard deux cœurs, les deux grands amours de ma vie, qui me soutiennent dans toute fatigue quand je pense n’avoir plus rien à donner. Ils me donnent ce que Dieu lui-même veut me donner à travers ma vulnérabilité. Alors que je continuais à traduire ce que j’entendais, je suis devenu tout inspiré par la vie de Pauline comme par celle du saint Curé d’Ars. C’était comme si les mots me venaient du ciel!

Sur cette croix, on a également inscrit un sage conseil résumant toute vie de baptisé et envoyé, pour tout disciple-missionnaire que nous voulons être, même aux heures de fatigue, de manque de foi ou d’espérance : « Et puis rien, rien qu’amour et sacrifice ». Oui, quand on a que l’amour à offrir, rien que l’amour, c’est en réalité ce qui reste de beau à donner.

Après avoir fait mon travail d’interprète, Dieu avait refait mes forces du cœur afin que je puisse continuer ma journée, davantage habité par lui.

Et moi qui pensais, peu de temps avant, que je n’avais plus rien à donner.

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