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13 Mar 2023

Le pape François, 10 ans de pontificat avec une « inquiétude » missionnaire

par Gianni Valente

Le dixième anniversaire du début du pontificat du pape François, élu évêque de Rome le 13 mars dernier, est marqué par un détail révélateur. Le 11 janvier dernier, alors que s’approchait le seuil de ses dix premières années en tant que Successeur de Pierre, le pape François a lancé, lors des Audiences générales du mercredi, un nouveau cycle de catéchèse, consacré à la « passion d’évangéliser, c’est-à-dire au zèle apostolique », qu’il a lui-même défini comme « un thème urgent et décisif pour la vie chrétienne ».

Paradoxalement, l’abondante (et parfois débordante) médiatisation nourrie autour de l’actuel successeur de Pierre finit (et sert parfois) à occulter l’essentiel de ce qu’il suggère chaque jour à tout un chacun. À commencer par l’inquiétude apostolique et missionnaire qui traverse sa prédication et son magistère ordinaire comme un fil rouge puissant et vivant. Il continue à s’exprimer copieusement dans ses homélies, ses catéchèses du mercredi et son Angélus du dimanche.

De l’exhortation apostolique Evangelii gaudium, texte « programmatique » publié en novembre 2013 et consacré à « l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui », au cycle actuel de catéchèses consacrées au « zèle apostolique », le Pape a répété mille et une fois que la Mission apostolique n’est pas une stratégie humaine, mais l’œuvre de Dieu. Qu’il ne s’agit pas d’un effort, d’une obligation, mais d’un effet libre et gratuit d’un don de grâce, de l’attrait qui naît de la rencontre avec le Christ et de l’action de l’Esprit Saint. Il a répété avec une insistance martelante que la proclamation de l’Évangile n’est pas du « prosélytisme », car sur le chemin de Jésus, on ne commence pas à marcher en martelant de la propagande ou en s’appliquant soi-même. Dans la vie chrétienne, le premier pas et même chaque vrai pas suivant est fait par « attraction ». Parce que le Christ lui-même attire les cœurs de tous les temps, il les console et les transforme par sa miséricorde, il les guérit et les embrasse par son pardon.
Au cours des dix années de son pontificat, le pape François a donné à ceux qui l’écoutent une « constellation » de mots visant tous à indiquer quel est le dynamisme propre à tout travail apostolique, et quelle peut en être la source : non pas le poids d’un effort supplémentaire, à ajouter aux labeurs de la vie, mais une réverbération de gratitude. Pour la joie d’avoir rencontré le Christ et d’avoir pressenti son salut au fil des jours.

C’est pourquoi, le pape François l’a répété à maintes reprises, faire la Mission avec un zèle authentiquement apostolique ne signifie pas imposer des fardeaux, mais « faciliter, rendre facile, ne pas mettre d’obstacles sur le chemin du désir de Jésus d’embrasser tout le monde, de guérir tout le monde, de sauver tout le monde ». C’est pourquoi, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, Mgr Bergoglio a soutenu les curés et les communautés de cette métropole qui avaient mis en place de nombreuses initiatives pour faciliter la célébration des baptêmes, après avoir constaté que le nombre de ceux qui, pour de nombreuses raisons, y compris sociologiques, ne recevaient pas le baptême, était en augmentation.

Dans le même contexte, le pape François, en tant qu’évêque de Rome, a voulu, dans les premières années de son pontificat, célébrer presque tous les jours la messe matinale dans la chapelle de la Domus Sanctae Marthae (Maison sainte Marthe), d’abord pour les employés du Saint-Siège, puis pour les groupes des paroisses de Rome. Lorsque la pandémie de COVID-19 est arrivée, les messes de Santa Marta, diffusées également par la télévision et les réseaux sociaux, ont réconforté, de Rome à Pékin, de Toronto à Nairobi, des multitudes de personnes aux prises avec le désarroi et l’impuissance vécus par tous face à la contagion pandémique. À cette occasion, le pape François, afin de « faciliter » l’expérience de la consolation du Christ, a fait la chose la plus simple et la plus importante qu’un prêtre chargé du soin des âmes puisse faire : il a célébré la Sainte messe de manière dépouillée, sans chœur, se contentant de lire et d’expliquer les écritures de la liturgie du jour. Ainsi, par un geste aussi simple, sans rien inventer, le Successeur de Pierre a également montré que l’horizon propre de l’expérience chrétienne n’est pas celui des « événements » exceptionnels ou des grandes assemblées ecclésiales, mais celui de l’ordinaire quotidien de la vie, avec ses problèmes, ses attentes, ses joies et ses échecs. Dans un parcours où, parmi les suggestions proposées par le Pape, il y a celles, faciles et élémentaires, de porter un Évangile de poche pour en lire une page chaque jour, ou de se souvenir de la date de son baptême.

Dans son « magistère missionnaire », l’actuel Successeur de Pierre a également rappelé que les formules qui lui sont chères sur « l’Église qui sort d’elle-même » pour annoncer l’Évangile du Christ ne se réduisent pas à l’activisme insatisfait et présomptueux d’élites «compétentes » et de poignées d’audacieux, et que le témoignage de Jésus rendu au monde s’épanouit dans la foi « infaillible » du peuple de Dieu. Un peuple missionnaire dans ses gestes quotidiens, même lorsqu’il est fragile et distrait, pauvre et meurtri.

L’actuel évêque de Rome a également répété à maintes reprises que la mission de proclamer et de témoigner de la libération de Jésus se déroule dans l’humanité et le monde tels qu’ils sont, dans la vie telle qu’elle est rencontrée, dans le « corps à corps » avec les conditions données, sans « apprivoiser » et narcotiser la réalité dans les laboratoires du moralisme et de l’abstraction. C’est pourquoi la mission de salut confiée à l’Église n’ignore pas et ne peut pas ignorer la catastrophe environnementale ou les migrants qui meurent dans les naufrages, le trafic d’armes et de drogues ou les nouvelles formes d’esclavage et de manipulation des cerveaux. Car si l’Église n’était pas dans le monde, et se concevait comme un « monde à part », elle ne rencontrerait plus les hommes et les femmes du temps présent tels qu’ils sont, là où ils sont. Et sur ce chemin, les structures et les dynamiques d’ « introversion ecclésiale » finiraient par devenir les alliées du diable.

Au contraire, le salut du Christ – suggéré par l’évêque de Rome avec son magistère – descend et résonne dans le monde souterrain de la douleur. Celui qui creuse les cœurs dans les guerres, qui les fracasse dans les tremblements de terre et les pandémies, qui fait pleurer les parents qui ont perdu leur emploi, mais seulement quand il fait nuit et que les enfants sont endormis.
C’est pourquoi, a rappelé le pape François, la communauté évangélisatrice s’immerge « dans la vie quotidienne des autres, raccourcit les distances, s’abaisse jusqu’à l’humiliation si nécessaire ». Elle « accompagne l’humanité dans tous ses processus, aussi durs et et prolongés qu’ils puissent être. Elle connaît les longues attentes et la patience apostolique. Elle prend soin du blé et ne perd pas la paix à cause de l’ivraie » (Evangelii gaudium, n. 24).

 

(Photo: OPM Canada / José I. Sierra)

 

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